Blanquer a raison : Ibiza, c’est beaucoup mieux l’hiver !

Le parc naturel de ses Salinas, entre Ibiza et Formentera

Le parc naturel de ses Salinas, entre Ibiza et Formentera ANDREW HETHERINGTON/REDUX-REA

En affirmant mardi soir sur TF1, « Ibiza l’hiver, ce n’est pas du tout comme l’été », le ministre dit vrai. Les habitués savent que c’est hors saison, que l’île mérite d’être arpentée. Visite guidée.

Certains fêtards sur le retour aiment à l’appeler « Neverland ». En écho à l’utopie de Peter Pan et Wendy. On raconte aussi qu’elle est la vraie « Isla Bonita » décrite par Madonna dans son tube du même nom. Objet de fantasmes et source intarissable de clichés, la plus célèbre des îles Baléares fait depuis plusieurs années les belles heures des médias sensationnalistes, qui la présentent comme un lieu de débauche ravagé par le virus du tourisme de masse.

Un melting-pot racoleur et clinquant où se croiseraient gogo danseuses dénudées, trafiquants de drogue napolitains et clubbeurs sous l’influence de substances illicites. Un mauvais procès sur fond de vérité : comme sa voisine Majorque, parfois résumée à ses beuveries de Magaluf, Ibiza doit composer avec ses âmes damnées que sont Platja d’en Bossa, San Antonio et son quartier West End, tristement célèbre. Une certaine idée de l’enfer, royaume des jeunes avinés en quête de sensations fortes où les grands noms de la Premier League viennent s’encanailler, pour le plus grand plaisir des tabloïds anglais.

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Mais réduire ses 571 kilomètres carrés à une banale capitale européenne de la fête constitue une erreur de débutant. Sauvage et mystérieuse, l’île révèle son vrai visage hors saison, prouvant à ceux qui en doutent encore qu’elle a davantage à offrir que ses superclubs et ses starlettes de télé-réalité. Tombée aux mains des Phéniciens (comme en témoignent ses étonnants vestiges archéologiques accessibles au public, cachés aux abords de la plage de Sa Caleta), gouvernée par les Romains puis sous influence musulmane pendant quatre siècles, Ibiza est un patchwork de cultures et d’identités réunissant le meilleur des mondes.

Statuettes de la nécropole punique de Puig des Molins

Statuettes de la nécropole punique de Puig des Molins NAVIA / AGENCE VU / NAVIA

Devenue terre d’accueil des hippies au début des années 1960, elle est le berceau d’une époque bénie : celle où la jet-set et les beatniks fauchés se mêlaient joyeusement dans une euphorie hédoniste qui bousculait les barrières sociales. Un temps sans carré VIP ni videurs où la fête ne se mesurait pas encore à l’aune des magnums de champagne hors de prix.

Le trait d’union entre cette fièvre orgiaque post-soixante-huitarde et l’avènement des DJ ? Tony Pike, play-boy et jouisseur invétéré, qui accueillit les plus grands noms du show-business dans son petit hôtel devenu un lieu de pèlerinage pour l’internationale des noceurs. Un QG de la fête qui aura le mérite d’inscrire Ibiza sur la carte du monde de la hype, ainsi qu’au panthéon des lieux prisés des riches et célèbres. Sur l’île, les légendes urbaines ont la peau dure : il n’est pas rare d’entendre les récits d’Australiens, d’Américains ou d’Asiatiques tombés sous le charme envoûtant de l’île. Débarqués pour ce qui ne devait être qu’un été, ces fêtards repentis n’achèteront jamais leur billet retour.

C’est le cas d’Andi Lackner et d’Andreas Oberkanins, deux Autrichiens tombés assez amoureux de l’île blanche pour y ouvrir l’an dernier la Finca Legado. Une bâtisse baléarique de caractère blanchie à la chaux, reconvertie en hôtel confidentiel de 11 chambres. L’éden, niché au milieu des palmiers, cactus et autres bougainvillées, se trouve à mille lieues des soirées survoltées du Pacha et de l’Amnesia.

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Réminiscences d’un passé baba cool pas si lointain ou bien exploitation opportuniste de la vague du bien-être qui déferle sur la planète ? Quoi qu’il en soit, les restaurants healthy convertis au concept de farm to table, les « agroturismos » autosuffisants et les hôtels écoresponsables fleurissent aux quatre coins de l’île. Symboles de cette déferlante green : les cafés Passion, fondés par Lana Love, et Aubergine, un restaurant du groupe Atzaró qui sert de délicieuses spécialités cuisinées à partir d’ingrédients de saison cultivés sur place, ne désemplissent pas.

Une fois les fêtards disparus, les yogis et autres amoureux de la nature reprennent leurs droits. Les cures bienfaitrices s’y multiplient, attirant cadres et CEO éreintés et désireux de découvrir « l’autre » Ibiza, celui que les journaux télévisés et les reportages de Bernard de La Villardière ne montrent jamais.

Faites-vous plaisir avec une PS4 à prix réduit grâce aux offres et bons plans du Black Friday. Pionnières du genre, les retraites Yogarosa figurent parmi les plus courues. Encadrées par la lumineuse professeure de yoga Rosa Klein, ces échappées belles d’un genre nouveau hébergées dans une superbe villa du nord de l’île accueillent des clients au bord du burn-out en quête d’antidotes naturels au rythme urbain effréné. « Le sud et le nord de l’île sont deux univers diamétralement opposés qui peuvent ne jamais se rencontrer, déclare Rosa Klein avec un sourire. Durant les retraites que j’anime, nous apprenons à nous reconnecter aux éléments et à expérimenter cette énergie si particulière qui m’a fait aimer ce lieu dès le premier regard. »

N’en déplaise aux sceptiques, Ibiza jouit encore d’une véritable mixité sociale. Les somptueuses villas à infinity pool perchées sur les hauteurs d’Es Cubells cohabitent harmonieusement avec les maisons de pêcheurs bricolées çà et là. Héritage de l’âge d’or hippie sur lequel les municipalités ferment les yeux, ces cabanes de fortune parfois creusées à même la roche et équipées de panneaux solaires alimentent la légende. Des stands de marchés bio aux terrasses fleuries des bars de Santa Gertrudis, où les locaux savourent de généreux menus du jour à moins de 15 euros, on aime à entretenir l’histoire de mystérieux chamans vivant reclus dans ces grottes du littoral.

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Centre historique d’Ibiza

Centre historique d’Ibiza DUBUS CÉDRIC / CÉDRIC DUBUS / LIGHT MOTIV

Le village de Santa Gertrudis, aux airs de carte postale méditerranéenne, abrite aussi le concept store La Galeria Elefante, passage obligé des touristes à la recherche de souvenirs de vacances authentiques. Fondée par Victoria Durrer-Gasse, cette caverne d’Ali Baba rassemble une sélection d’objets et de vêtements qui mettent à l’honneur l’artisanat local.

Les spots fétiches de cette amoureuse de l’hiver baléarique ? « Le marché de San Juan, mon rituel des dimanches matin. Mais aussi La Paloma Café [une institution où il n’est pas rare d’apercevoir Kate Moss et son acolyte Jade Jagger] et La Escollera, un délicieux restaurant de bord de mer ouvert toute l’année, situé à Es Cavallet, qui offre une vue splendide sur Formentera. »

Hors saison, l’île comporte son lot de rites initiatiques liés aux mythes et légendes locaux : une séance de méditation face à Es Vedra, rocher au champ magnétique parmi les plus intenses du monde, dont on raconte qu’il fut l’île aux sirènes dépeinte par Homère dans « l’Odyssée » ; une randonnée sur la colline de Sa Talaia, sommet de l’île au panorama à couper le souffle ; une balade sur les remparts de Dalt Vila, ville médiévale classée au patrimoine mondial de l’Unesco, ou encore un coucher de soleil à Benirrás, plage où le guitariste Slash célébra son mariage il y a quelques années.

Si elle n’en laisse rien deviner durant l’été, cher aux adeptes de 4x4 surpuissants et de scooters de mer, Ibiza a développé un authentique engagement écologique. Une conscience militante qui s’exprime tant en matière de protection animale que contre les divers projets de forages pétroliers offshore. Cette dynamique est née lors d’une violente campagne de protestation, « No Volem Autopista », contre la construction d’une autoroute qui balafre l’île du nord au sud. L’an dernier, l’administration locale présentait un plan ambitieux visant à éliminer les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, provoquant au passage quelques grincements de dents du côté du gouvernement espagnol, échaudé par les initiatives indépendantistes d’où qu’elles proviennent.

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L’engagement, si sincère soit-il, risque de se heurter au statut de haut lieu touristique du territoire, et confine parfois à la schizophrénie. Comme l’illustre sa luxueuse Marina Botafoch, arborant fièrement ses boutiques Dior et Hublot, conçue en association avec le biologiste marin Manu San Felix, expert des questions environnementales : le lieu, témoin silencieux du défilé des yachts des oligarques russes l’été, ne craint pas de se revendiquer comme « le port de plaisance le plus écologique au monde » – une fois le calme retrouvé.

L’hiver, c’est aussi la période favorite de Louis Henry Sarmiento. Figure majeure de l’élite artistique de l’île, ce New-Yorkais a élu domicile sur les hauteurs de San José. Dans sa finca vieille de quatre siècles, aux murs recouverts de guitares Gibson et de distinctions de l’académie des Grammy Awards, il a installé ses studios Sonic Vista, où ont notamment été enregistrés Lady Gaga et 50 Cent. Qu’est-ce qui, selon lui, continue d’attirer autant de curieux tout au long de l’année ? « C’est un lieu ultra-stimulant pour les artistes. Depuis l’ouverture de l’aéroport à la fin des années 1950, l’île a su conserver son héritage, qui perdure à travers les soirées Flower Power du Pacha ou le marché hippie de Las Dalias de San Carlos. En un mot, Ibiza a réussi à graver dans sa roche l’atmosphère du Summer of Love qui a disparu ailleurs. »

Y ALLER : A partir de 100 euros l’aller-retour avec Air France

Y DORMIR : Au Pikes Hotel pour revivre les folles heures de la pop

Y MANGER : Au restaurant Aubergine, finca aux allures chics pour manger local

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